Les loups iront-ils jusqu'en Bretagne ?
La chronique de Jean-Luc Nothias.
Publié le 05 septembre 2007
Histoires de savoir. La chronique de Jean-Luc Nothias.
HOMO sapiens versus Canis lupus. L'homme de nouveau face au loup. Et cela a
encore tourné au vinaigre cet été puisqu'il est accusé, entre autres,
d'avoir provoqué la mort d'un troupeau de plusieurs centaines de moutons et
brebis qui, affolés, se sont jetés dans le vide. Voilà une quinzaine
d'années qu'ils ont repointé le bout de leur truffe dans le parc du
Mercantour (Alpes-Maritimes).
On estime qu'ils sont aujourd'hui au moins une centaine, répartis en un peu
plus d'une quinzaine de meutes. D'une longueur de 150 kilomètres, leur
territoire originel s'étend sur six vallées dans les Alpes du Sud sur plus
de 200 000 hectares. Zone qui compte environ 18 000 habitants permanents
répartis dans 28 communes avec une forte activité de pastoralisme. Ce qui
entraîne évidemment de douloureux problèmes de cohabitation entre l'animal
et l'homme.
Pourtant, pour une fois pourrait-on dire, l'homme n'y est pour rien.
Il n'a pas joué avec le feu. Les loups sont revenus tout seuls. Au début des
années 1990, ils ont franchi la frontière entre l'Italie et la France. Le
parc du Mercantour est en effet contigu au Parco naturale Alpi Marittime, en
Italie, où le loup, qui n'y a jamais disparu, était bien présent et protégé.
La première observation certifiée en France date de 1992. Depuis, les
troupeaux ont payé un lourd tribu aux carnassiers. Peut-être pas aussi lourd
que certains voudraient le dire, mais incontestablement important.
Cette expansion du loup va-t-elle s'arrêter là ? C'est peu probable.
Présent dans un seul département il y a quinze ans, il l'est aujourd'hui
dans huit (Ain, Alpes- de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes,
Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie et Var), d'Annecy à Digne en passant par
Grenoble et le Vercors. Il a aussi gagné les Alpes vaudoises en Suisse. Et
il a déjà été vu au-delà du Mercantour, dit-on, dans les Vosges, le Jura et
le Massif Central. Il a également été repéré dans les Pyrénées-Orientales.
Pourquoi ne gagnerait-il pas les territoires où il était autrefois présent
et où le gibier n'est pas rare ?
Le loup se déplace généralement en meute de 3 à 15 individus tous parents
entre eux. Chacun occupe une place bien précise dans une hiérarchie à
respecter. Le territoire de chaque meute s'étend sur 200 à 300 km². Mais la
croissance démographique d'un groupe sur un territoire limité amène à en
abaisser les ressources alimentaires. Et un loup a besoin de 5 à 8 kg de
nourriture par jour. Seule solution à ce moment-là, élargir son horizon.
Plan d'action
C'est ce qui préoccupe aujourd'hui, par exemple, les responsables du parc
américain de Yellowstone dans lequel les loups ont été réintroduits il y a
une trentaine d'années. Ils sont désormais plusieurs centaines dans le parc
et les scientifiques ont constaté que la biodiversité, aussi bien pour la
faune que pour la flore en avait été, à de nombreux endroits, améliorées. Le
« hic » est que maintenant qu'il a colonisé tous ses biotopes du parc, il a
tendance à en sortir pour s'approprier d'autres territoires.
L'aspect alimentaire n'est pas le seul moteur de cette colonisation.
Elle permet également d'éviter la multiplication des conflits, soit entre
meutes concurrentes, soit entre membres d'un même clan. Ainsi, sans
exploser, le nombre de loups augmente régulièrement et le territoire qu'ils
occupent s'agrandit, en équilibre avec les ressources alimentaires et leur
sécurité (en particulier vis-à-vis de la pression humaine).
En Espagne et en Italie, là où le loup n'a jamais disparu, leurs « méfaits »
sont bien mieux acceptés qu'en France. La cohabitation n'y est pas aussi
tendue. Les éleveurs mettent en place des stratégies de protection des
troupeaux, tout en sachant qu'ils perdront tout de même, chaque année,
plusieurs têtes. Qui feront l'objet d'indemnisations.
L'histoire de la réapparition du lynx dans le Jura dans les années 1970,
puis de sa réintroduction dans les Vosges durant les années 1980 donne aussi
à réfléchir. Ce fut au début une levée de boucliers, véhémente et parfois
violente. La cohabitation avec le lynx avait du mal à passer. Aujourd'hui,
le lynx ne fait plus parler de lui. Un équilibre a été établi.
Mais c'est le loup qui conserve le mauvais oeil. Et pendant que nous
cherchions tous un peu de soleil, au mois d'août, pouvoirs publics, éleveurs
et représentants des associations se sont réunis, sous la houlette de la
secrétaire d'État à l'Écologie, Nathalie Kosciusko- Morizet, afin d'élaborer
un plan d'action pour le loup de 2008 à 2012. La (nouvelle) principale
préoccupation étant de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à
l'accompagnement de la sortie du loup de son bastion alpin.
Des loups bientôt en Sologne, dans le Massif central, ou en Bretagne ? Ce
n'est pas impossible. Mais le loup a beau être un grand marcheur, il n'a pas
encore de bottes de sept lieues. Et il n'est pas aussi méchant que veut nous
le faire croire le Petit Chaperon rouge.