(Espagne) Galgos espoir : pour sauver les lévriers martyrs.L'Espagne est le dernier pays européen à autoriser la chasse au lévrier, une tradition qui remonte au Moyen-Age. Bien qu'efficaces et rapides, ces "galgos" ne sont pas récompensés pour autant. 500 000 de ces chiens chassent d'octobre à février. A l'issu de cette saison, chaque année, les chiens sont au mieux abandonnés, au pire torturés et tués dans les conditions les plus abominables.
Car pour les "galgueros" (les chasseurs), les lévriers ne valent guère mieux qu'une balle de fusil. Et légalement, ces chiens n'ont même pas le statut d'animal.
Odile Brochot a créé pour les défendre et les recueillir l'association "Galgos Espoir" avec une amie, Marie-France Gérard. Située dans l'Aube, elle a voulu faire connaître leur cause, encore assez méconnue.
TELE-ANIMAUX : Parlez-nous des "galgos" : qui sont-ils, quelle est leur vie ?
Odile Brochot : ce sont des lévriers, utilisés pour la chasse au lièvre ou au lapin. C'est une chasse qui se pratique sans fusil, les chiens sont lâchés sur la proie, et c'est au premier qui l'attrappe. Les "galgos" chassent très jeunes, jusqu'à leurs deux ans, trois ans grand maximum. Et chaque année, les "galgueros", leurs maîtres donc, renouvellent les meutes. Les reproductions se font à outrance, souvent clandestinement, et les chiots comme les mères sont peu nourris, pour limiter les coûts, et peut-être pour rendre les chiens plus nerveux à la chasse, mais là-dessus rien n'est sûr.
T-A : Comment sont-ils considérés par leurs maîtres ?
O.B : Ni plus ni moins que comme des objets, l'équivalent du fusil ou d'une balle. Et encore ! Quand vous ne vous servez plus d'un objet familier, vous ne le jetez pas toujours. Vous le remisez, vous le gardez dans un coin. Les "galgos" n'ont même pas droit à ce traitement : ils sont purement et simplement jetés à la poubelle, ils n'ont aucun statut.
T-A : Que deviennent-ils à l'issu de la saison de chasse ?
O.B : A chaque saison, le tri est fait avec les animaux qui atteignent deux, trois ans. Le cheptel est alors renouvellé. Et malheur aux "galgos" qui n'ont pas bien chassés : s'ils sont abandonnés, c'est encore le sort le meilleur, même si c'est dans un état pitoyable. Certains sont volés ou vendus pour des combats de chiens. La plupart sont torturés, battus et tués de la pire manière qui soit. On s'en débarrasse, tout court.
T-A : Cette technique de chasse est-elle populaire en Espagne ?
O.B : Extrêmement. Tout le monde la connaît, et ce depuis des siècles. Elle est surtout pratiquée en Andalousie, dans les zones reculées, c'est là que l'on trouve les cas de maltraitance les plus nombreux. C'est d'ailleurs parce que cette pratique est très ancrée dans la tradition, que le gouvernement ne fait passer aucune loi accordant un statut à ces animaux. Cela provoquerait un tollé général, bien que de nombreux Espagnols s'insurgent contre cette barbarie.
T-A : Comment avez-vous connu le martyre de ces lévriers ?
O.B : Il y a deux ans, grâce à un reportage de l'émission "Trente Millions d'Amis" justement ! Et j'ai été sidérée parce que j'ignorais complètement cette pratique. J'ai fait des recherches pendant des jours et des jours, et c'était impossible d'oublier et de jouer l'autruche. Je pensais à tous ces gens qui vont en vacances en Espagne, et qui ne savent pas que derrière le tableau idyllique se cache une réalité atroce pour ces chiens. Je me suis d'abord engagée chez "Galgos France", une association qui rapatriaient aussi des croisés d'Espagne. Mais je voulais me consacrer d'abord aux "galgos". Et en septembre 2008, j'ai créé mon association avec une amie, Marie-France Gérard.
T-A : Comment s'organise le sauvetage des chiens ?
O.B : Nous travaillons avec des refuges partenaires espagnols, qui sont financés par des associations. Des bénévoles vont chercher les chiens si des particuliers ont dénoncé tel "galguero", parfois ce sont les maîtres qui les amènent. Il faut 21 jours avant que les chiens puissent sortir d'Espagne. Pendant ce temps, ils sont pucés, vaccinés, testés maladies méditérranéennes et rétablis physiquement. Parfois, nous les récupérons, moyennant finances, auprès des "pereira", l'équivalent des fourrières.
T-A : Pour ces chiens très traumatisés, comment "renaître" pour être adopté ?
O.B : La resociabilisation sera très différente selon les chiens. J'ai eu récemment le cas d'un monsieur dans le Nord qui a adopté une chienne, il fait son footing avec elle aujourd'hui, tout va bien. Mais il y a deux mois, j'en ai recueilli une dans un état lamentable, elle avait sans doute été pendue, et ne s'intégrait pas, elle est restée dans ma grange pendant 15 jours...Cela viendra lentement je pense.
En général, il nous faut environ 6 mois ou un an pour resociabiliser les "galgos", et nous travaillons avec une comportementaliste. Ils ne sont jamais agressifs, au contraire, ils sont très craintifs, puisqu'ils ont connu les coups depuis l'enfance.
T-A : Quels sont les critères d'adoption ?
O.B : Chaque demande est soigneusement examinée. Nous rencontrons les familles, nous leur rendons même visite. Nous mettons sérieusement en garde contre les adoptions compulsives, qui partent d'un bon sentiment, mais qui ne sont pas bénéfiques pour les animaux. Il faut savoir aussi que les "galgos" restent très méfiants envers les hommes, et se placent plus facilement chez des femmes, mais évidemment, les couples sont les bienvenus ! Il faut juste savoir que le chien aura plus peur de l'homme que de la femme. Tout dépend du degré de traumatisme.
La participation financière pour l'adoption, qui couvre les frais vétérinaires, coûtent 300 euros pour une femelle et 250 pour un mâle. Les prix sont les mêmes pour les chiots, mais la stérilisation est à notre charge.
Enfin, bien que ces chiens sortent de l'enfer, ce n'est pas parce que vous les aurez sauvés qu'ils vous seront immédiatement reconnaissants. Le chemin peut être long pour gagner leur confiance, mais ils sont fondamentalement gentils et ils ont simplement besoin d'amour et d'affection
Pour aider l'association "Galgos Espoir", adopter un "galgos", contacter :
"Galgos Espoir" - Association de sauvetage des lévriers martyrs en Espagne
124 rue Gabriel Péri 10100 Romilly sur Seine.
Site Internet : www.galgosespoir.com
Odile Brochot : 03 25 37 58 28 - 06 60 15 37 50
Marie-France Gérard : 03 26 42 79 64 - 06 26 75 55 96