Des daims ont la vie sauve grâce à Brigitte Bardot

le 20/10/2011

Capture sportive : les daims ont la vie sauve grâce à Brigitte Bardot

Les animaux sont rapides, vifs, stressés. Faute de pouvoir les endormir en les fléchant, les hommes de l’Office de la chasse ont opté pour la capture au filet. Exercice plutôt sportif. Photos Françoise Jeanparis


Capturés, les daims sont enfermés dans des caisses en bois avant d’être chargés dans un camion
Dénouement heureux hier à Bart. Les daims confisqués par décision de justice à leur propriétaire hors des clous de la législation n’ont pas été abattus mais capturés. Ils vivront désormais dans un parc animalier près de Nantes. La fondation Brigitte Bardot finance la logistique de l’opération.


« S’il y avait un jour à éviter pour lancer une telle opération, c’était bien celui-là… » Pas de chance. Quand elle a été programmée, l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) était loin d’imaginer qu’il ferait pareil temps de chien. Il tombe des cordes. Le mercure ne dépasse pas les 6 °C. Et l’opération de capture lancée à 7 h 30 mercredi matin va s’éterniser jusqu’à midi. Vifs comme l’éclair, stressés par la présence humaine, les six daims ont donné du fil à retordre aux hommes en kaki. « Ils ont rapidement compris la poloche car c’est tout sauf bête un daim. Ils ont eu tôt fait de repérer la carabine et de prendre leur distance », résume Richard Gautaudier, technicien à l’Office.
Ce n’est pas la mort qui attend les six daims d’un cheptel qui en a compté jusqu’à 25, mais une nouvelle vie au grand soulagement des milliers de voix qui se sont élevées pour sauver les animaux promis à l’abattage.
Semi-sauvages donc dangereux

Car l’affaire a fait du bruit. Dans les chaumières, les prétoires et sur le web (une pétition a recueilli plus de 2000 signatures). Et pas seulement dans le Landerneau des protecteurs des animaux. « La justice veut punir un homme dont l’élevage n’est pas dans les clous de la réglementation et pour le punir, on fait abattre son cheptel. Un non sens », plaidait cet été un collectif montbéliardais constitué pour « sauver les daims de Bart ». À l’époque, il y en avait encore dix-sept dans ce parc, trop restreint pour une telle population, situé en pleine ville, voisin d’une école maternelle « avec tous les risques que ça suppose. Ces animaux semi-sauvages sont classés dangereux », insiste Emmanuel Renaud. Le patron de l’Office dirige les opérations appuyées par les lieutenants de louveterie Laurent Wiedmann, Abel Bossert et Serge Parguer et la gendarmerie. Mandaté par le préfet, l’ONCFS met en œuvre la décision de justice prononcée en mai à Montbéliard, confirmée en appel le 15 septembre dernier.

Les daims sont confisqués. Du moins les six qui restent. Tous les autres, dont un grand mâle aux bois effilés, ont été abattus par le propriétaire. Lors du procès en septembre, la fondation Brigitte Bardot s’était engagée à fournir toute la logistique en cas d’accueil sur un autre site, comme de prendre en charge les frais inhérents. Promesse tenue. « Des gens du Doubs se sont investis dans la recherche d’un parc agréé et en capacité d’accueillir les daims. Il a été trouvé. Nous assumons le transport et les frais vétérinaires. Bien sûr, nous aurions préféré que l’ensemble du cheptel soit sauvé. Maintenant, six daims sont épargnés. L’essentiel », confiait hier Aline Maatouk au siège parisien de la fondation chère à BB. Un peu groggy, les six femelles dont un bambi de quatre ou cinq mois, drôlement rapide tant il a fait tremper le maillot des hommes à ses trousses, ont pris la route par camion à midi pour le Maine-et-Loire.

BB invitée à Bart
Ils vont rejoindre des chameaux et des autruches, des wallabies et des chevaux dans un parc animalier de 13 hectares, niché en pleine nature dans les Mauges. Voilà qui va les changer de l’enclos bartois planté en milieu urbain, avec tous le stress que ça suppose. « Au-delà du bon dénouement de ce dossier sensible, notre objectif est atteint : la fermeture définitive de ce parc en raison de l’insécurité qu’il représentait pour le voisinage et de la réglementation qu’il piétinait », remarque Emmanuel Renaud. Le maire de Bart Pierre Schlatter avoue, lui, un sentiment partagé. Il se dit heureux de l’épilogue de cette affaire « qui traîne depuis des années ». Heureux encore « d’avoir pu sauver au moins six daims grâce au soutien de la fondation Brigitte Bardot ». Triste aussi « car ces daims faisaient partie du paysage depuis 1998. C’était assez exceptionnel d’avoir des daims route de Dung. Le parc est désormais vide… ». Comme il ne perd jamais le Nord, le maire en profite pour réitérer son invitation à BB attendue à Bart « quand elle veut ».

« Une chance que le grand mâle ne soit plus là car l’opération aurait été plus délicate ». Délicate, elle l’a été avec des animaux qui sous des silhouettes menues cachent une force insoupçonnée. Affolé, le troupeau se jette contre les grillages, déjoue les pièges des hommes d’une extrême patience, file d’un point à un autre à une vitesse folle dans le sol trempé et boueux. Le vétérinaire Stéphane Cretenet d’une clinique de Pontarlier est de l’opération. Au départ, l’Office comptait anesthésier les daims au moyen de flèches tirées par un lanceur hypothermique. Problème : le froid a fait geler l’azote dans les cartouches (150 € la dose). Deux daims seulement seront fléchés. Les services optent pour la capture au filet. Un vrai sport. Tête baissée, les daims se jettent dans les mailles. Agiles, ils parviennent à s’en extirper, rattraper un peu plus loin par les hommes qui pratiquent le plaquage au sol « comme au rugby », doivent être à trois au moins pour maîtriser un animal. Les services vétérinaires du Maine-et-Loire ont leurs exigences. Les daims doubistes peuvent entrer sur leur territoire à condition qu’ils soient marqués. Ce à quoi s’emploie Stéphane Cretenet en plaçant un transpondeur (une puce électronique de 60 €) sous la peau au niveau du cou de l’animal. « Une façon de les identifier comme on le fait pour les chiens et les chats ». À 10 h 30, le dernier daim était capturé sous une pluie battante. À midi, le troupeau est chargé.

le 20/10/2011 à 05:00 par Françoise Jeanparis
http://www.lepays.fr/doubs/2011/10/20/capture-sportive-les-daims-ont-la-vie-sauve-grace-a-brigitte-bardot