Les anti-corrida poussent la porte du parlement espagnol
Par Par Olivier THIBAULT AFP - Jeudi 18 octobre, 16h22MADRID (AFP) - Les militants anti-corrida espagnols, minoritaires mais en progression, ont symboliquement et pour la première fois poussé jeudi la porte du parlement à Madrid, où ils ont lu une motion pour "l'abolition des corridas de taureaux".
Ce "manifeste" lancé par deux députés écologistes, Francisco Garrido de Séville (sud) et Joan Oms de Barcelone (nord-est), réclame "l'abolition de tout type de spectacle ou rituel comportant mauvais traitement, mort ou torture d'animaux", et la "fermeture des arènes".
La motion a été lue dans une salle du parlement en présence de personnalités de la culture et des sports, dont la romancière à succès Lucia Etxebarria ("Amour, Prozac et autres curiosités").
"Une première symbolique dans l'enceinte de la représentation nationale", a exulté Francisco Garrido, qui a présenté ce texte le jour où était examinée une loi pour la protection des animaux ne mentionnant nullement les corridas.
Selon ce député, il y a au parlement "une minorité croissante qui rejette la corrida". Les députés seraient en majorité "indifférents" mais craignent de prendre position contre par peur de devenir "impopulaires" et de la "pression médiatique".
"Récemment un député me disait qu'il était d'accord avec moi, mais que pouvait-il faire, lui qui vient de Navarre ?", région taurine par excellence, avec ses mythiques lâchers de taureaux des fêtes de la San Fermin à Pampelune (nord), contre lesquels ont manifesté cette année des anti-corrida... nus et coiffés de cornes.
Les deux élus verts, soutenus par une dizaine de députés catalans de gauche, voudraient non seulement abolir les corridas mais aussi toutes les "fêtes populaires espagnoles" pratiquant des rituels "cruels" sur des animaux.
C'est le cas à Manganeses, village du nord-ouest où chaque année est pratiqué un lancé de chèvre depuis le clocher. Dans d'autres localités, la coutume veut qu'on accroche des torches enflammées aux cornes d'un taureau ou qu'on pique une bête pendant des heures.
Mais c'est la corrida, érigée en Espagne au rang de "fête nationale", qui concentre ici les critiques: elle "devrait disparaître de l'horizon éthique et légalement acceptable de notre pays", selon le manifeste.
Chef de file de l'Association taurine parlementaire, le sénateur conservateur Pio Garcia-Escudero voit en cette initiative l'action d'un "groupe ultra minoritaire de la gauche radicale, en grande partie de Catalogne", où le courant anti-corrida est le plus fort.
La corrida "en Espagne dispose toujours d'un appui très important", affirme à l'AFP M. Garcia-Escudero, porte-parole du Parti Populaire au Sénat. Pour lui, le sujet relève d'une simple "question de liberté": aller ou non à une corrida.
Il semble cependant que le "large appui" dont bénéficie la corrida s'effrite chaque année.
Selon la dernière livraison (2006) d'un sondage publié depuis plus de 30 ans par l'institut Gallup, 72,1% des Espagnols déclarent n'avoir "aucun intérêt" pour les "spectacles de toros". Et le public va vieillissant, les plus de 55 ans s'affichant comme les plus intéressés.
Signe des temps, la télévision publique espagnole a cessé cette année de diffuser en direct les corridas, pour ne pas heurter les enfants, même si d'autres chaînes ont continué à la retransmettre.
Malgré tout les arènes de Madrid ou Séville se remplissent encore régulièrement. Selon le grand critique taurin espagnol, José Antonio del Moral, 2007 a été "sous tous les aspects la meilleure saison depuis 10 ans".
Un succès dû en partie au retour d'un mythe vivant de la tauromachie, José Tomas, qui a rempli en juin les 18.000 places de la "Monumental" de Barcelone. A l'extérieur, des centaines d'anti-corridas manifestaient bruyamment.