Le mercredi 06 février 2008
Course contre la montre dans Ville-Marie
L'itinérant Mario Paquet
Photo Patrick Sanfaçon, La Presse
Sara Champagne
La Presse
Un sans-abri du centre-ville vient de s'engager dans une course contre la montre pour empêcher l'euthanasie de deux de ses chiens, prévue n'importe quand à partir de minuit, ce soir.
Mario Paquet, qui vit depuis des années dans les rues de l'arrondissement de Ville-Marie avec sa meute de neuf chiens, a reçu un avis d'exécution vendredi contre ses pitbulls croisés, Audieu et Prime. Les deux bêtes ont mordu un passant et son chien dans la soirée du 4 janvier, près de la rue Sainte-Catherine. La police a produit un rapport d'incident.
Recours juridique
Hier après-midi, M.Paquet tentait par tous les moyens juridiques possibles d'obtenir un sursis pour ses chiens. Dans l'avis qu'il a reçu, il est indiqué que les pitbulls ont causé une «nuisance grave», et qu'ils seront «supprimés par euthanasie» en vertu du Règlement sur le contrôle canin, parce qu'ils constituent un danger pour le public.
«J'ai parlé à mon avocate, qui a déjà gagné une cause pour moi en Cour supérieure pour empêcher l'euthanasie de mon chien Renégat, a expliqué M. Paquet. Elle l'avait fait gratuitement. Mais je ne veux pas l'engager dans une autre cause bénévolement, elle a déjà fait beaucoup pour moi.»
Le sans-abri ne se décourage pas, mais il se demandait hier sous quel angle il pouvait contester l'ordre d'euthanasie. Il affirme qu'il a essayé, sans succès, de savoir auprès de l'arrondissement sur quoi la décision reposait.
«Il n'y a pas eu de provocation de la part de mes chiens, assure-t-il. Il s'agissait d'un événement fortuit, peu fréquent. J'étais de dos. Je n'ai pas vu arriver le gars avec son chien, et je n'ai pas été capable de retenir Audieu et Prime.»
Nouveau règlement
Pendant ce temps, à l'arrondissement, la direction a décidé de reporter d'un mois la première lecture d'un nouveau règlement qui doit restreindre à deux le nombre de chiens qui peuvent être promenés sur le domaine public, comme le révélait La Presse il y a deux semaines.
La direction des affaires publiques explique qu'il reste une dizaine de points à vérifier avec le contentieux de la Ville, notamment pour les gens dont le métier est de promener des chiens, avant de présenter le règlement aux élus.
Jean-Yves Duthel, directeur des affaires publiques, explique que dans le cas de l'avis d'euthanasie, les différentes autorités se sont consultées avant de prendre une décision. «Il faut comprendre qu'il y a eu morsure jusqu'au sang. Cette décision a été prise à la suite d'une mise en perspective», a-t-il soutenu.
Depuis que l'arrondissement a annoncé son intention de renforcer son règlement sur les chiens, le maire Benoit Labonté s'est toujours défendu de viser un individu en particulier. À ce chapitre, l'administration marche sur des oeufs puisqu'il existe dans les annales judiciaires le cas d'un individu qui a réussi à faire annuler «un règlement discriminatoire», qui visait son chien.
«La cause visait la corporation du village de Saint-Hugues, explique l'avocat spécialisé dans les causes municipales, Louis Beauregard. C'était en 1936. Le règlement visait une interdiction pour les chiens de 35 livres et plus. Or, le chien de l'individu était le seul de cette taille dans le village.»
Acharnement
Selon le RAPSIM, un réseau d'aide aux sans-abri, il est clair que le règlement vise Mario Paquet et ses chiens en particulier. Bernard St-Jacques, organisateur communautaire, affirme qu'ils seront nombreux, le mois prochain, à contester le règlement.
«Je m'explique mal l'acharnement contre Mario. C'est du profilage», précise-t-il.
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