«La corrida, un supplice qui doit cesser»27 mai 2009 - ENTRETIEN MANUELA GIROUD
PAMPHLET - Christian Laborde publie un violent réquisitoire contre la tauromachie, doublé d'une déclaration d'amour au taureau.«Je marche avec des enthousiasmes.» Christian Laborde a rayé le mot «tiédeur» de son vocabulaire. Quand il aime - Claude Nougaro, les champions cyclistes - c'est avec passion. Quand il déteste, c'est pareil. Et il le clame avec ses beaux mots d'écrivain. «Corrida, basta!», son nouvel essai, encorne la corrida.
Coups de griffes contre ses aficionados, mais aussi coup de coeur pour ce bel «animal au regard bleu marine» qui fascine depuis toujours Christian Laborde, enfant du Sud-Ouest. La corrida à laquelle il a assisté, tout gosse, l'avait laissé «bouleversé, apeuré, traumatisé». Son pamphlet nous laisse enchanté.
La compassion envers les animaux semble le principal moteur de votre combat contre la corrida.
Oui, cette compassion est une donnée de notre civilisation depuis les philosophes grecs... Je me souviens aussi, enfant, de ce curé de village qui bénissait les hommes, bien sûr, mais aussi le feu, l'eau et les bêtes; ça veut dire qu'il mettait sur le même plan le bûcheron et la biche, le paysan et la vache.
C'est cette harmonie qui est au fond de moi qui resurgit au moment où je prends la défense des taureaux. Cette compassion pose une question importante sur notre rôle: est-ce que l'homme se grandit lorsqu'il torture un animal?
Et ce qu'on commence par faire à l'animal, on risque ensuite de le faire à l'homme...
Oui, la cruauté contre les animaux est au départ, c'est la source. Donc on
peut penser que si l'on se comporte avec respect envers les bêtes, on le fera aussi envers les hommes.
Que répondez-vous à ceux pour qui la corrida est une tradition, et même un art?
Il faut respecter la tradition lorsqu'elle est respectable; l'excision aussi est une tradition! Pour moi, la corrida est une tradition qu'on doit combattre parce qu'elle se fonde sur la cruauté, sur le tourment qu'on fait subir à un animal pour son plaisir... Je dis que ce n'est pas un art, parce que dans tout art il y a une oeuvre: Van Gogh nous offre des toiles, Scorsese des films, Nougaro des chansons. Là, il n'y a pas d'oeuvre, simplement une mort qui est donnée en spectacle.
A vous lire, les aficionados sont des crétins sanguinaires et avinés. Vous y allez fort!
Ce sont les règles du pamphlet: les arguments, mais aussi les outrances, les insultes... Il y a incontestablement du sadisme chez les spectateurs, il y a bien là des gens qui se délectent de la souffrance de l'animal et du spectacle de la mort. Dès qu'on parle de la souffrance de la bête, les aficionados se ferment; ils vont jusqu'à dire que le taureau ne souffre pas. Un chien aboie quand on lui donne un coup de pied et un taureau ne sentirait rien quand on lui enfonce des banderilles!
Vous n'allez pas jusqu'à souhaiter la mort du matador?
Au XXe siècle, quatre toreros sont morts dans l'arène, seulement quatre, donc on voit que ce n'est pas un duel, c'est le supplice d'une bête. Alors j'ai envie de parler comme un Indien: je dirais que, de temps en temps, les taureaux vengent leurs frères...
Quel espoir avez-vous de voir disparaître la corrida?
Les moeurs changent, on se soucie des droits des animaux... Selon les sondages, en France, la population à 70% est hostile à la corrida et, en Espagne, 25% des gens y sont favorables. Ce ne sont pas les jeunes qui vont à la corrida, donc ça va prendre du temps, mais ça va changer.
Avant les taureaux, vous avez défendu l'ours des Pyrénées. L'irrespect envers la nature vous met vraiment en colère...
C'est mon tempérament, parce que la nature m'a apporté beaucoup durant mon enfance. Et dès l'instant qu'on la salit, qu'on l'abîme, j'ai l'impression que c'est mon enfance que l'on salit.
http://www.lenouvelliste.ch/fr/news/culture/la-corrida-un-supplice-qui-doit-cesser_14-145789