25.07.2009
(SUISSE)
Les petits cochons seront castrés mécaniquement . ÉLEVAGE | Protection des animaux oblige, les éleveurs devront anesthésier et endormir leurs porcelets avant de pouvoir leur trancher les testicules. Tracas dans les porcheries. Grogne chez les vétérinaires.Pour la narcose, l’animal est retourné sur le dos et son museau est placé dans un cylindre qui diffuse du gaz narcotique (Isofluran) mélangé à l’air. Castrer un petit cochon? «Il faut cinq secondes montre en main. Hop!, un coup de bistouri et c’est fini», explique Séverin Blattmann, éleveur de porcs à Vouvry (VS), casquette vissée sur la tête. Un geste banal, répété des milliers de fois: les 160 truies de son élevage mettent bas une dizaine de petits deux fois par an. Et la moitié sont des mâles qu’il faut castrer dans la première semaine de leur existence.
La simplicité de ce geste appartient bientôt au passé. La nouvelle Loi sur la protection des animaux (LPA) interdira en effet de faire souffrir les animaux «de façon injustifiée» dès le 1er janvier 2010. Et même de les «stresser». Autant dire que charcuter l’intimité d’un bébé cochon d’un coup de lame furtif est désormais chose impossible. Les éleveurs ont cinq mois pour renoncer à cette pratique. Problème pour la filière porcine: la chair de porc mâle non castré a un goût qui rebute le consommateur suisse. Que faire? «Nous avons la solution!» lance Thierry Ruef, mandataire de l’entreprise de produits vétérinaires Provet, à Lyssach (BE). Sa machine miracle – PorcAnest 3000 – permet d’endormir les porcelets de façon efficace avant de procéder. L’éleveur doit d’abord injecter un produit antidouleur aux animaux puis attendre une dizaine de minutes.
Il place ensuite jusqu’à trois petits cochons en même temps sur la machine, leur introduit le groin dans un masque qui diffuse le gaz narcotique. Un compte à rebours de nonante secondes se met en marche. Après quoi, la castration peut avoir lieu, avant le coup de spray désinfectant.
Une procédure nettement plus longue et complexe. «Il faut bien passer par là, on n’a pas le choix», soupire Séverin Blattmann. Provet est l’un des trois fabricants de machines à narcose sur le marché. «Nous connaissons un énorme boom en ce moment, explique Thierry Ruef, car nous devons livrer des centaines de machines avant la fin de l’année.»
Plus de la moitié des 3500 éleveurs suisses ont déjà reçu des cours théoriques sur cette narcose – dispensés par la filière professionnelle. Mais la majorité a attendu jusqu’en mai pour passer commande des machines, dont les premières sont livrées ces jours en Suisse romande. «Il y a eu de longues discussions sur le financement», admet Félix Grob, président de Suisseporcs.
Finalement, un fonds d’indemnisation de quinze millions, alimenté par toute la filière, remboursera en partie l’achat des machines (entre 8500 et 13 000 francs l’unité). Une manne bienvenue pour les petits éleveurs.
Inquiétude sur le vaccin
Certains auraient préféré le vaccin, mis au point par Pfizer et qui produit les mêmes effets que la castration (lire ci-dessous). «Mais nos acheteurs n’en voulaient pas, et spécialement Migros», rappelle le Vaudois Claude Henchoz, du comité central de Suisseporcs. Motif: le consommateur aurait pu s’inquiéter d’une intervention médicamenteuse dans le fonctionnement hormonal des animaux. «Maintenant que nous avons choisi la castration sous narcose, il faut que les éleveurs jouent le jeu et qu’ils le fassent bien.»
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Grogne chez les vétérinaires
La castration des porcelets sous narcose fait grimacer les vétérinaires. «Nous prenons acte qu’elle se met en place, mais de mauvaise grâce. C’est comme croquer dans une pomme acide», affirme Charles Troillet, président de la Société des vétérinaires suisses (SVS).
Les vétérinaires s’opposent à la banalisation des actes médicaux dans les exploitations, au fait que des «laïcs» puissent procéder à des narcoses complètes sans réelle formation. Sans compter les risques de dérives: «Il n’est pas exclu que certains paysans puissent commencer à castrer des petits animaux de compagnie sans autorisation», craint un vétérinaire.
Swissmedic (Institut suisse des produits thérapeutiques) estime aussi que «la narcose à l’Isofluran peut être dangereuse pour les animaux si elle est pratiquée par des non-professionnels». Sans compter que ce gaz serait 500 fois plus nocif pour l’environnement que le CO2. «La meilleure solution eût été le vaccin Improvac, qui agit sur le système hormonal du porc, considère Charles Troillet. Mais Micarna, Bell et Coop l’ont refusé avec intransigeance, c’est dommage.»
http://www.tdg.ch/actu/suisse/petits-cochons-castres-mecaniquement-2009-07-24