Aïd Al Adha : Les enfants peuvent-ils assister à l'égorgement ?Loin de prôner la violence, la cérémonie du sacrifice fait partie d'un rituel religieux sacré et divertissant pour les petits.A l'approche de l'Aïd Al Adha, le même débat revient au-devant de la scène : autoriser ou non les enfants à assister à la cérémonie d'égorgement du mouton ? Telle est la question qui constitue la pomme de discorde entre les pédopsychiatres d'ici et d'ailleurs et même entre certains parents marocains. Il faut le dire, cette polémique a été alimentée par les sulfureux propos de bon nombre de pédopsychiatres occidentaux qui stigmatisent les traditions musulmanes permettant à l'enfant de prendre part à la cérémonie du sacrifice, acte clé de la journée de Aïd Al Adha. Pour eux, permettre à l'enfant d'être témoin de cette scène de "tuerie", de "barbarisme" ou encore de "torture" infligée à la bête serait une expérience traumatisante pour lui et aurait un impact nocif sur son psychisme.
Et ce n'est pas tout, puisque ces dénonciateurs zélés vont jusqu'à affirmer que cet égorgement banaliserait le sang pour l'enfant et cultiverait sa prédisposition à la violence !
Un énorme tapage a été mené là-dessus, surtout avec l'entrée en ligne des défenseurs des droits des animaux. Dernièrement, les partisans du mouvement de la célèbre figure de protection des animaux Brigitte Bardot se sont ralliés à cette "cause" et ont poussé le bouchon plus loin pour exiger un étourdissement préalable des moutons ! Pour couper court à cette polémique qui a pris des proportions irréelles, il convient de rappeler, s'il y a besoin, que l'Aïd n'est fait ni pour torturer les bêtes, ni pour traumatiser les enfants. Bien au contraire, c'est un événement crucial dans toute l'année et attendu impatiemment par les familles marocaines en général et les enfants tout particulièrement qui y voient une fête hautement divertissante.
La réjouissance et l'enthousiasme avec lesquels les bambins reçoivent cet événement trouvent leur secret dans l'ambiance de festivités et de joie qui règne sur les maisons et les rues pendant la période de l'Aïd. De toutes ces festivités, la cérémonie de l'égorgement du mouton constitue le fait le plus marquant. Ce serait un jugement trop hâtif que d'affirmer que les enfants pâtissent (ou pâtiraient à long terme) de cet acte de culte que pratique annuellement plus d'un milliard de musulmans à travers le monde. Et pour preuve, dans la majorité écrasante des foyers marocains, ce sont les chérubins qui manifestent leur désir de regarder de près l'abattage de la bête et guettent sur des charbons ardents l'heure de l'égorgement. Il arrive souvent que les garçons (s'ils sont en âge de le faire) donnent un coup de main à leurs pères par exemple pour le soufflage de l'animal, et que les filles aident leurs mères à préparer les outils et les épices nécessaires à la cuisson. Tout cela se passe dans la joie et l'allégresse, sans le moindre incident, et les enfants en particulier en tirent un immense bonheur.
Une autre mise au point s'impose : la scène d'égorgement ne reflète point une soif pour le sang, ni un éloge de la violence. Loin de là, c'est un sacrifice religieux qui, il faut bien le noter, n'est pas exécuté n'importe comment. Plus que bien d'Occidentaux, les musulmans veillent à ce que l'égorgement du bétail ne soit pas un supplice gratuit subi par ces animaux. Dans ce sens, des Hadiths de notre Prophète Sidna Mohammed viennent préciser, de la plus claire manière, les modalités à suivre et les précautions à prendre, avant et pendant l'égorgement, afin d'épargner à l'animal une souffrance inutile. Ainsi, on doit aiguiser à l'avance le couteau servant à l'égorgement et on doit couper la gorge dans une "région" bien précise pour que la bête ne souffre pas. Cette manière d'égorgement islamique demeure la plus magnanime et la plus indolore pour l'animal et c'est là la réponse la plus éloquente aux critiques inopportunes adressées de part et d'autre à ce rituel sacré pratiqué depuis des lustres par les musulmans.
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Ames sensibles, s'abstenir
Si la majorité des enfants éprouvent un vif plaisir à prendre part à la cérémonie d'égorgement du mouton, il n'en est pas de même pour certains. C'est le cas particulièrement de ceux en bas âge (moins de 7 ans), mais aussi de ceux sensibles à la vue du sang. Si votre enfant appartient à cette catégorie, il ne convient pas de le laisser assister à l'égorgement, vu les séquelles que peut avoir ce spectacle sur sa petite âme. Il ne faut pas surtout leur forcer la main, sous prétexte que c'est l'occasion de s'affranchir de cette phobie du sang. La pédopsychiatre Houda Hjiej insiste ainsi sur la nécessité de respecter les sentiments de l'enfant et de ne pas persifler sa peur du sang, tout en essayant de le soutenir convenablement pour qu'il dépasse son angoisse.
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Explication Docteur Houda Hjiej • pédopsychiatre
«L'enfant peut vivre la situation de façon très naturelle»
A l'avènement de l'Aïd El Kébir, la question de permettre ou d'interdire à l'enfant d'assister à l'égorgement du mouton se pose avec acuité. Qu'en pensez-vous ?
Le vécu de l'enfant par rapport à des évènements pareils dépend de plusieurs facteurs. Premièrement, son âge est important, il faut qu'il soit capable d'exprimer son désir d'assister à ce type d'évènement s'il a envie. Deuxièmement, l'enfant peut vivre la situation de façon très naturelle si les parents ou les personnes qui l'entourent n'ont pas d'appréhension et d'angoisse au préalable. Dans le cadre d'un rituel admis culturellement et présenté de façon sereine par les parents et au moment où l'enfant n'est pas fragile de par son âge, il n'y a pas de raison pour que les choses ne se passent pas bien.
Certains considèrent l'abattement du mouton comme un acte de barbarie et de violence traumatisant pour l'enfant. Ne voyez-vous pas qu'il y a trop d'exagération dans ces propos ?
C'est exactement ce que j'ai essayé d'expliquer au début. Mais pour certains enfants qui sont déjà anxieux ou qui manifestent des peurs importantes pour l'âge, il ne faut surtout pas les obliger à assister à cette situation en se disant que cela va les aider à dépasser leur angoisse. Cela ne peut être que traumatisant dans ce cas-là.
Comment se comporter lors de la fête avec les enfants atteints d'une phobie du sang ?
Quand on parle de phobie de sang, c'est qu'on est déjà face à une situation pathologique qu'il faudrait prendre en charge par un spécialiste. Mais dans le cas des petites peurs que les enfants peuvent avoir à la vue du sang à cause d'une situation qui les a marqués, il faut respecter les sentiments de l'enfant et ne pas se moquer de lui. Il est important de le soutenir, d'en discuter avec lui et de le laisser vivre ses propres expériences qui pourraient l'aider à surmonter sa peur, sans le brusquer.