Article du Monde sur chasseurs mécontents de Sarkozy
LE MONDE - EDITION 05/02/2008 - PAGE 11
La " rancoeur " de la France " giboyeuse " envers le président
C'était le bras armé de l'électorat sarkozyste : 1,2 million de chasseurs
avaient massivement voté pour le candidat de l'UMP lors de l'élection
présidentielle de 2007. " Les gars s'étaient dit : "Voilà un homme de
parole." Aujourd'hui, ils déchantent. " Gilles Deplanque, directeur de
l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau (ANCGE), la branche la
plus remuante, se fait l'écho de " la rancoeur " qu'il entend remonter du
terrain.
Dernière raison de ce désamour ? La parution au Journal officiel, mercredi
30 janvier, d'un arrêté sur les dates de fermeture de la chasse au gibier
d'eau. Le texte contraint les adeptes à remettre leur fusil au râtelier le
31 janvier pour la plupart des espèces.
Au néophyte, l'affaire peut sembler bien mince. Dans ce monde de passionnés,
c'est là un casus belli. Les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse
sont un vieux contentieux, maintes fois plaidé devant le Conseil d'Etat. Les
chasseurs souhaitent obtenir un élargissement de la saison, les écologistes,
une restriction. Le dossier avait empoisonné le gouvernement Jospin et, dans
une moindre mesure, le second mandat de Jacques Chirac. Il avait détourné de
la gauche une frange de l'électorat populaire et largement contribué à la
montée politique de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT).
Dans la campagne 2007, la puissante Fédération nationale des chasseurs
(FNC) n'avait guère caché sa préférence. Le 20 février, lors d'un forum sur
la chasse où avaient défilé tous les candidats, Nicolas Sarkozy avait été le
plus chaleureusement accueilli. " Je ne serai pas le président des mesures
vexatoires ", avait-il assuré, dans une ode à la France " giboyeuse " qui
avait conquis les coeurs.
Le candidat CPNT était descendu de 4,3 % des suffrages en 2002 à 1,15 % en
2007. " Les chasseurs ont voté utile dès le premier tour ", résume Gilles
Deplanque. Un courrier envoyé le 11 juin à la FNC par le président de la
République semblait augurer d'un assouplissement des dates. Mais, depuis,
Jean-Louis Borloo, ministre de tutelle de la chasse, s'est plié aux
impératifs européens et à une directive dite "
oiseaux " qui limite la durée de la prédation humaine.
Dépit des chasseurs : le 28 janvier, Charles-Henri de Ponchalon, président
de la FNC, envoyait un courrier à l'Elysée, en appelant à l'arbitrage du
chef de l'Etat. La réponse reçue le lendemain était évasive. Elle promettait
simplement un débat à la mi-février. Au diapason de sa base, Gilles
Deplanque s'irrite de ces tergiversations
: " Sarko se couche devant les écologistes. " Pour un chasseur, c'est là
l'insulte suprême.
Benoît Hopquin